Comment recycler les déchets issus du travail de la terre ?

Comment recycler les déchets issus du travail de la terre ?

par giom

Comme dans tout processus de fabrication, il y a toujours des déchets. Mais l’avantage avec le travail de la terre, c’est que tant qu’elle n’a pas été cuite, elle est recyclable quasiment à l’infinie ! Je vous propose un petit tour d’horizon pour tout comprendre. Suivez-moi dans mon atelier situé en Alsace !

D’où viennent les déchets de terre ? Et pourquoi il y a tant de déchets ?

Alors pour commencer, voici à quoi ressemblent les alentours immédiats de mon tour ! Des grandes poubelles de terre de toutes les couleurs… car comme je n’ai jamais choisi la facilité, je tourne plusieurs terres… et donc si je veux recycler, il faut que je trie mes déchets pour conserver des terres propres et non mélangées pour la suite.

Sur la gauche, vous avez le Grès de Saint-Amand-en-Puisaye (celui que j’utilise pour ma Collection Bronze notamment). C’est un grès de tournage très sympathique… et c’est donc celui que j’utilise également le plus… donc pour lequel j’ai énormément de déchets ! Le petit seau contient du Grès Blanc de Dordogne. Ensuite, les deux poubelles avec du grès brun contiennent le Grès de Dordogne que j’utilise pour ma Collection Port-Anna.

Le gros du gros des déchets vient donc pendant le tournage, car c’est aussi ce que je pratique le plus. Pour que ce soit plus simple à comprendre, voici une photo du seau dans lequel j’ai mis mes déchets pendant toute une journée de travail.

Comme il y a plusieurs étapes lors du tournage, il y a également plusieurs moments où on a des déchets. Vous retrouvez à peu près toutes les étapes ci-dessus, que je vais essayer de vous expliquer :

  1. On tourne à partir d’une boule de terre dont on a défini le poids au préalable, en fonction de la pièce qu’on souhaite réaliser. La première étape, c’est le centrage de cette boule de terre sur le tour de potier. Une fois que la terre est centrée, on travaille la terre en chandelles (on monte et on descend la terre, de manière que beaucoup d’observateurs définissent comme très “sensuelle” !). Parfois, il arrive qu’on foire parce qu’on pense à autre chose ou qu’on a fait un faux mouvement. Aujourd’hui, par exemple, ça m’est arrivé une fois : j’ai “coupé” le haut de ma chandelle car j’avais trop serré mes mains autour… et comme je travaillais sur une série de tasse, si je n’ai pas le même poids de terre, je ne peux pas faire exactement la même tasse… donc j’ai balancé cette “boule de terre foirée avant tournage” que vous retrouvez en bas à droite dans le seau.
  2. Ensuite, l’étape d’après, c’est le tournage de la pièce. Et à ce moment-là, on tourne avec de l’eau et, au fur et à mesure, on a les mains bien crades… mais comme c’est dans cette barbotine de terre toute molle qu’il y a une bonne dose d’éléments riches qui donnent l’élasticité à la terre, et plutôt que de tout virer, je préfère garder cette matière et je me secoue les mains au-dessus du seau. C’est donc de là que vient tout ce “cracra tout frais de tournage” qui ressemble à une espèce de boue.
  3. Et puis vient le moment où la pièce est tournée et où on la sort du tour de potier pour la poser sur une planche en bois pour qu’elle commence à sécher. Aujourd’hui, par exemple, j’ai réalisé plusieurs dizaines de tasses pour une même commande, et je me suis rendu compte qu’une tasse dénotait et ne ressemblait pas aux autres… donc poubelle ! Vous la voyez bien dans le seau en bas à gauche.
  4. Plus tard, une fois que les pièces tournées sont un peu plus sèches, mais pas trop, on attaque l’étape du tournassage. C’est à dire qu’on repositionne la pièce sur le tour de potier, mais à l’envers, pour pouvoir travailler le pied. A cette étape, on enlève de la terre plus sèche avec des outils qu’on appelle tournassins. Ce sont les “déchets de terre dure” que vous retrouvez en haut dans le seau. Il peut y en avoir pas mal : ça dépend de la manière de tourner et de la forme de la pièce. Pour les tasses de ma Collection Bronze par exemple, c’est à cette étape que je viens enlever de la matière à l’extérieur pour donner cette texture de lignes enroulées autour de la tasse. Donc toute cette matière part au recyclage plutôt qu’à la poubelle !

Comment fait-on pour recycler la terre ?

Avant de recycler la terre, il faut impérativement la stocker dans des conditions qui permettent sa conservation. Soit on ne conserve que des déchets de terre qu’on laisse sécher, pour ensuite les réhumidifier, puis obtenir une pâte homogène, soit on conserve l’humidité naturelle de la terre lorsqu’on mélange les différents déchets. Personnellement, je veille à ce qu’il y ait toujours suffisamment d’humidité dans mes poubelles de terre, de manière à ne pas avoir besoin de les réhumidifier à chaque fois.

Ensuite, soit on procède à la main, et dans ce cas, il faut étaler la terre sur une surface plane pour la faire sécher (idéalement une plaque de plâtre qui va réguler progressivement son taux d’humidité), puis on la malaxe et la mélange pour en chasser toutes les bulles d’air. C’est une technique qui demande la maîtrise des gestes de bases du travail de la terre, mais qui n’est pas particulièrement compliquée. Elle demande simplement beaucoup de temps (et accessoirement beaucoup de surface pour pouvoir étaler la terre pour qu’elle sèche). Ensuite, il reste à remettre la terre en sacs ou dans des grands bacs pour pouvoir ensuite l’utiliser petit à petit pour de nouvelles créations.

Grâce à un financement participatif, je peux maintenant recycler ma terre avec une machine !

En début d’année 2020, j’ai eu l’idée d’acquérir une boudineuse désaéreuse pour pouvoir recycler ma terre plus rapidement, et donc gagner un temps précieux. J’ai donc lancé un financement participatif auprès de ma communauté. A cette occasion, j’avais réalisé un petit clip qui expliquait en quelques mots l’intérêt de cette machine !

 

Voici donc comment cette machine fonctionne, en me faisant gagner un temps précieux. Voici à quoi ressemblent les déchets de terre que je mets de côté au fur et à mesure : il y a donc des morceaux plus ou moins durs, et d’autres plus ou moins humides, tous rassemblés dans des seaux ou des sacs hermétiques pour qu’ils ne sèchent pas.

Donc on introduit tout ça dans la machine en veillant à mélanger au mieux les textures des différentes terres et il en ressort en quelques minutes un boudin tout lisse et tout propre, sans bulles d’air car un compresseur a aspiré l’air contenu dans la terre en faisant le vide dans le tube.

Et cette terre est comme neuve : elle peut être réutilisée comme s’il s’agissait de terre extraite de la carrière et que je reçois dans des sacs en plastique. Pour vous donner une idée du gain de temps permis grâce à cette boudineuse-désaéreuse, voici ce qui peut être recyclé en une session : il y avait 4 sacs de 15kg environ. En temps normal et à la main, je mettrais environ 1 journée à recycler ces 60kg : d’abord les laisser sécher, puis mélanger les terres à la main, et enfin les travailler encore et encore pour en chasser l’air. Grâce à la machine, on y passe seulement 30 minutes !!!!

Au final, que représentent les déchets qui sont réellement jetés ?

Et bien grâce à cette technique de recyclage et à l’attention portée à la valorisation des déchets dans l’atelier, on ne jette quasiment rien. Avec une production d’environ 2 tonnes de terre par an, on jette seulement quelques kilos de terre (environ 2 sacs poubelles de 100l par an) : il s’agit principalement de terre qui a été mélangée à du plâtre et n’est plus utilisable en l’état, ou de terre mélangée, mais également de pièces qui ont cassé lors des cuissons.

 

Et oui, la terre est précieuse dans tous les sens du terme. Et s’engager dans une fabrication vertueuse veut également dire être attentif à ce qu’on fait de ses déchets. Alors oui, c’est une démarche qui demande un investissement, mais c’est également une question d’engagement et de conviction, d’éthique pour notre petit atelier qui permet ainsi d’aller au bout du bout de notre démarche de création.

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